
Connue pour défendre les couples Sarkozy et Macron avec des méthodes de voyou, l’ex-trafiquante de drogue Michèle Marchand, devenue une « papesse de la presse people », est visée par une plainte de l’avocat William Bourdon à qui elle avait souhaité un « accident de poussette ».
Les témoignages sur les méthodes parfois musclées de Michèle Marchand, très proche du couple Macron, mais aussi de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, ne manquent pas. Ancienne trafiquante de drogue et reine de la nuit parisienne, elle a longtemps utilisé son influence et sa société Bestimage (une des plus importantes agences françaises de photos de célébrités, récemment rachetée par Xavier Niel) pour protéger ses amis, voire discréditer ses ennemis.
Faire chanter Karine Le Marchand
En 2021, Mediapart dévoilait le chantage dont aurait été victime la présentatrice de M6 Karine Le Marchand de la part de la patronne de Bestimage. Cette dernière est soupçonnée d’avoir extorqué plus de 1 000 euros à la présentatrice de L’amour est dans le pré, pour ne pas dévoiler des photos de sa fille sortant d’un commissariat. Selon le dossier judiciaire consulté par Libération, Michèle Marchand se serait procuré des photos de la fille mineure de Karine Le Marchand, avant de « faire en sorte, au moyen de mensonges et de pressions psychologiques insidieuses », qu’elle « se sente financièrement et moralement redevable à son égard » en cas de non publication des photos compromettantes.
Alors que Karine Le Marchand tente de résister aux pressions de « Mimi », passée dans les années 1980 par le grand banditisme et la prison, cette dernière lui glisse, dans un SMS de juin 2021 : « Ce sera trop tard… c’est embêtant pour la petite ». Suite à ces menaces, Michèle Marchand sera jugée en mai prochain pour « extorsion » et « recel de violation du secret professionnel et de l’enquête ». Entre les deux femmes, la défiance est telle que ces derniers jours, Karine Lemarchand avertissait M6 : en cas d’arrivée dans le groupe de l’animateur Cyril Hanouna, notoirement proche de Michèle Marchand, elle quitterait la chaîne.
Malgré son sulfureux passé, « Mimi » s’est imposée depuis les années 2000 comme la communicante officieuse des Sarkozy, puis des Macron, comme le détaille Jean-Baptiste Rivoire [fondateur de Off investigation, ndlr] dans son livre « L’Élysée (et les oligarques) contre l’info » (Les liens qui libèrent, 2022).
« Il faut qu’il ait un accident de poussette »
Michèle Marchand, évoquant l’avocat William bourdon
Le 3 février 2025, l’avocat William Bourdon, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme, a porté plainte contre Michèle Marchand. Le fondateur de l’association Sherpa l’accuse de menaces et subornation de témoins suite à des propos découverts dans le cadre d’une enquête la visant (dans l’affaire du présumé financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007).
En décembre 2020, elle avait échangé par texto avec un intermédiaire proche de Rifaat al Assad. À l’époque, cet oncle de Bachar al-Assad (président de la République arabe syrienne depuis l’année 2000 jusqu’au mois de décembre 2024), qui est soupçonné de posséder des « biens mal acquis » en Europe, est très remonté contre l’avocat William Bourdon et son association Sherpa, qui ont lancé des procédures contre lui. Par texto, il demande à « Mimi » un rendez vous à ce sujet avec Nicolas Sarkozy : « NS ne peut pas pour le moment rencontrer qui que ce soit par rapport à tes amis » aurait répondu Michèle Marchand selon Libération.
Très remonté contre William Bourdon, l’intermédiaire de Rifaat Al Assad insiste auprès de Michèle Marchand, qui finira par lui lâcher que « faire sauter » le célèbre avocat n’était « pas facile », avant d’ajouter : « ou alors faut qu’il ait un accident de poussette ». Une « mauvaise plaisanterie » qu’elle « regrette beaucoup », d’après Libération. Contactée par Off Investigation, Michèle Marchand n’a pas souhaité commenter davantage ses déclarations.
Sherpa, un caillou dans la chaussure de Rifaat al-Assad
Depuis plus de 10 ans, l’association Sherpa est partie civile dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi, et participe activement au dossier. En 2013, l’avocat et son association ont aussi porté plainte contre Rifaat al-Assad, pour des biens mal acquis en France.
Suite à cette plainte, Rifaat al-Assad, dont le patrimoine immobilier en France atteignait 90 millions d’euros, avait été condamné pour « blanchiment » et « détournement de fonds ». « Il a été furieux, confirme William Bourdon à Off Investigation. D’autant que l’instruction en France s’est faite en collaboration avec le parquet anti-corruption espagnol (…) Je sais que Rifaat al-Assad, ses proches et son fils m’en voulaient terriblement, j’ai eu des échos de cela ».
William Bourdon, avocat, fondateur de l’association Sherpa« Je sais que Rifaat al-Assad, ses proches et son fils m’en voulait terriblement, j’ai eu des échos de cela »
Rifaat al-Assad est également poursuivi en Suisse pour « crime de guerre » et « crime contre l’humanité », pour son implication dans le massacre de Hama, en Syrie, le 2 février 1982 (Le Monde, mars 2024).
Pour William Bourdon, les méthodes de Michèle Marchand témoignent d’un « sentiment d’impunité où tout est permis ». Off Investigation s’est entretenu avec l’avocat au sujet des menaces dont il est l’objet.
« j’ai été estomaqué de la désinvolture avec laquelle Mimi Marchand évoque des méthodes pour se débarrasser de moi »

Off Investigation : Pensez-vous que le SMS de Michèle Marchand à votre égard s’inscrivait dans le cadre des affaires Rifaat al-Assad et Sarkozy-Kadhafi ?
William Bourdon : Oui, bien sûr. Comme beaucoup, j’ai été estomaqué de l’espèce de désinvolture avec laquelle Mimi Marchand évoque des méthodes pour se débarrasser de moi. Ce langage de mafieux s’inscrit dans ce sentiment d’impunité où tout est permis, totalement désinhibé, totalement décomplexé. Un langage, d’ailleurs, qui fait florès aujourd’hui à l’échelle du monde tout entier.
Ce n’est pas la première fois que des éléments de langage sont utilisés me concernant. Il y a tout un entre-soi, une voyoucratie française et françafricaine, une communauté d’intérêts entre Rifaat El Assad et d’autres acteurs français, pour activer des officines et tenter de me nuire depuis que j’ai lancé les premières procédures « biens mal acquis » en 2007. Je le raconte dans mon livre [Sur le fil de la défense, Éditions Cherche midi, 2023] : je n’ai pas perçu à quel point, en m’attaquant à l’épicentre de la corruption, de certains états ou de grands personnages publics, ça allait me valoir un cortège “d’emmerdements”.
Il y a eu des campagnes de téléphone, il y a plus de dix ans, sur mes enfants. Des coups de fil anonymes sur leur téléphone tous les quarts d’heure. Des appels au bureau de gens disant « Je connais le chemin de vos enfants pour aller à l’école ». Il y a six ans, j’ai déposé une plainte pour des menaces de mort qui semblaient provenir de l’entourage d’un dirigeant africain visé par une procédure contre les biens mal acquis. J’ai été amenée à prendre un garde du corps pendant plusieurs mois. Il y a aussi eu des campagnes de diffamation : on présentait à plusieurs médias un dossier constitué de relevés de comptes m’attribuant des millions de dollars sur des comptes en Asie du Sud-Est.
Pendant des années, il y a eu une campagne du journaliste Hervé Gattegno dans le JDD qui m’accusait d’être un mercenaire à la solde de Mediapart dans l’affaire Kadhafi, avec des papiers à répétition me concernant, se saisissant de la moindre occasion pour disqualifier l’action de Sherpa en Mauritanie ou ailleurs. Je n’en ai pas parlé parce que je voyais bien le piège de l’évoquer, je ne voulais pas qu’on fasse un procès en victimisation à des années-lumière de la position qui est la mienne. J’ai toujours considéré qu’il fallait prendre ça au sérieux. Et y voir plutôt un encouragement pour continuer ce que j’avais à faire – avec une vigilance supplémentaire.
Off Investigation Quel regard vous portez aujourd’hui sur le procès de l’affaire Sarkozy-Kadhafi en cours ?
William Bourdon : La conséquence mécanique de ce sentiment d’impunité est une logique de déni systémique : mépris pour les juges, diffamation contre les ONG qui agissent et les médias, procès en politisation des juges… Cette marque de fabrique est un fond commun entre les grands dirigeants africains poursuivis pour les biens mal acquis et la défense des grands dirigeants politiques français – avec des variantes plus ou moins caricaturales. Maintenant, il appartiendra au tribunal de faire le tri. Les charges sont très lourdes.
Off Investigation : Ce n’est pas la première fois que Michèle Marchand est empêtrée dans des déboires judiciaires. Et pourtant, elle est toujours proche d’Emmanuel et de Brigitte Macron : est-ce que c’est quelque chose qui vous choque ?
William Bourdon : Bien sûr que ça me choque. Il faut résister à la conséquence d’une forme de banalisation terrible de cet entre-soi, entre des illégalismes au plus haut niveau de l’État et une partie des membres éminents de la classe politique française. C’est une communauté d’intérêts scellée par cette obsession de l’impunité, la logique du mépris du droit et de l’intérêt général. Et donc le mépris pour les ONG et les juges qui en sont les conséquences presque pavloviennes.
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